Des campagnes de jeu et des arcs narratifs
- Le 28/01/2021
Des campagnes de jeu et des arcs narratifs
Salut à tous, comme vous le savez l’un des gros projets qui me tient à cœur est la réécriture de la campagne de jeu « Prelude to War » campagne mythique s’il en est, sauf que les suites qui lui ont été données étaient de plus en plus décevantes. Dans l’intervalle, est arrivée une série télévisée, pas très médiatisée, nommée « Game of Thrones » qui m’a fait me questionner pas mal, notamment suite aux deux dernières saisons. Je me suis mis à me poser ce genre de question : Qu’est-ce qu’une bonne histoire ? Qu’est-ce qu’un arc narratif ? Comment doit être mené un arc narratif ? Comment articuler une campagne de jeu ? C’est quoi un « bon » méchant ? Etc… puis j’ai commencé à trainer sur internet pour assouvir ma soif de connaissance (entre autres sources : Wikipedia, https://devenir-realisateur.com/, https://blog.reedsy.com/, etc...).
Je vous propose donc d’aborder dans ce blog les notions de bases nécessaires à l’écriture d’une campagne de jeu…
1-De la Définition d’un arc narratif
Un arc narratif est le profil tensif d'une intrigue qui se développe dans un récit depuis le nœud (inducteur de la tension narrative) jusqu'au dénouement. Cet arc peut se développer à l'échelle d'un récit simple (scenario) ou au-delà de celui-ci, dans un récit sérialisé (campagne). Lorsqu'il s'agit d'une campagne, différents arcs narratifs peuvent s'enchâsser les uns dans les autres, au niveau du scénario, du chapitre, voire de l'ensemble de la campagne prise comme un tout. Lorsque l'arc enjambe plusieurs scenarii, il produit un suspense. La campagne dans le domaine du jeu de rôle est parfois opposée au « one shot » : épisode qui propose une clôture complète et qui se suffit à lui-même.
Un arc narratif peut être vu comme la mise en œuvre d'une intrigue au sein d'une histoire, par la succession de montées en puissance de l’opposition (diesis) et de crise-résolution (lusis) de ces dernières, jusqu’au dénouement final. Ceci a été présenté par Aristote dans sa Poétique au quatrième siècle avant JC, le concept n’est donc pas neuf…
2-De la composition d’un arc narratif
La plupart des récits suivent un arc narratif sous la forme d’une série de causes et d’effets, aussi appelé "chaîne de causalité". Chaque action qui se produit dans un récit provoque une réaction, impliquant quelque chose en retour. Ce concept se répète ainsi tout au long du récit. Généralement, un arc comprend un enchainement de phases suivant une même structure : l’introduction, le conflit, l’action montante, le point culminant, l’action descendante et le dénouement. Une bonne histoire ajoute également une révélation (ou « twist ») et parfois même une conclusion.
Voici la description des éléments clés d’une histoire :
- L’introduction (ou exposition) donne un bref aperçu du contexte et de l’intrigue. Elle répond généralement aux questions où, quand et qui, elle décrit le contexte puis présente la/les personnalité(s) du/des personnage(s) principal (aux).
- Le conflit (ou « nœud »), qui peut être directement intégré à l’introduction, notamment lorsque les personnages sont déjà connus ou ont déjà vécus des aventures ensemble, s’attèle généralement à présenter l’antagoniste principal et/ou l’amorce de l’intrigue qui sera à l’origine de l’action montante. Cette phase est sensée être l’un des points forts de la tension narrative, elle est donc particulièrement à soigner afin de ne pas laisser vos joueurs indifférents.
- L’action montante décrit tous les événements qui vont mener jusqu’au point culminant de l’intrigue, il s’agit généralement d’un enchainement de crise / résolution.
- Le point culminant (ou « climax ») est la résolution du conflit et une prise de hauteur de l’action qui se traduit généralement par l’atteinte du paroxysme de la tension narrative de l’arc. C’est généralement au cours de cette phase que l’aspect épique ou sensationnel atteint son maximum. C’est à cette phase que le conflit doit être résolu.
- L’action descendante est l’ensemble des effets du point culminant du récit et de la résolution de leurs conséquences sur les personnages principaux.
- Le dénouement de l’histoire (ou résolution), conclut l’action et veille à ce que toutes les intrigues importantes soient réunies dans un ensemble cohérent. Le personnage principal complète une quête, vainc un ennemi et rentre chez lui, etc…
- La révélation (ou « twist ») peut être placée dans n’importe quelle phase entre l’introduction et la conclusion mais généralement et pour un maximum d’effet, il vaut mieux la planifier entre le conflit et le climax. Il vaut mieux éviter de la positionner en conclusion.
- La conclusion présente la morale de l’histoire ou la « pensée de clôture ».
Enfin, un récit peut présenter différentes structures chronologiques, suivant : en ligne droite, en cercle ou en spirale. Voici la description de ces structures :
- Une ligne droite est une structure où le récit montre tout dans l’ordre chronologique.
- Le cercle se produit lorsque le récit commence et se termine avec la même scène.
- La spirale se produit lorsqu’une action ou une information nous est donnée en introduction du récit, puis celle-ci est suivie d’un flashback qui se développe pendant au moins la moitié du temps, et enfin l’acte final du récit avance dans le temps.
3-Quelle est la différence entre un arc narratif et une intrigue?
Bien que l'intrigue soit composée d’événements individuels qui composent votre récit, votre arc narratif est la séquence de ces événements. Imaginez chaque scène de votre récit résumée sur des cartes: la pile entière de cartes est votre intrigue, mais l'ordre dans lequel vous les disposez est votre arc narratif.
Penser à votre arc et réfléchir à comment le construire est essentiel. Et si votre « carte scène 1 » appartenait au dénouement? Que faire si vous avez trop de scènes d'affilées, basées sur un même conflit, délaissant ainsi les autres conflits qui restent en suspend ? Organiser soigneusement votre intrigue dans un arc narratif cohérent aide les joueurs à naviguer dans votre histoire et définit des attentes que vous pouvez satisfaire ou perturber.
Si l'intrigue est le squelette de votre histoire, l'arc narratif en est la colonne vertébrale. C’est la ligne de passage centrale qui marque la progression du tracé du début à la fin.
3-1 Et l'arc de personnage?
L'arc narratif est à l'histoire ce que l'arc du personnage est à un personnage. Il implique l'intrigue à grande échelle et un arc de personnage trace le voyage intérieur d'un personnage au cours de l'intrigue.
Une autre distinction simple: alors que l'arc de l'histoire est externe, l'arc du personnage est interne et chaque personnage principal (et parfois secondaire) passera par un arc individuel.
Pourtant, les arcs narratifs et de personnages font partie d'une relation symbiotique. Chaque point de l'intrigue dans l'arc de l'histoire devrait rapprocher ou éloigner vos personnages de leurs objectifs et désirs. Les circonstances et les conflits auxquels vos personnages sont confrontés font partie de l'arc, mais la façon dont les personnages relèvent les défis et changent en conséquence est le territoire de «l'arc de personnage».
4-De la campagne
Si vous voulez écrire une campagne, vous avez besoin de définir les arcs narratifs que vous souhaitez aborder et pour chacun, définir leur nœud, suspense et dénouement.
Si vous souhaitez avoir une campagne ouverte alors il est préférable de définir plusieurs dénouements pour chaque type d’arc, ce qui vous laissera le choix en fonction des décisions de vos joueurs ou au contraire, si vous souhaitez une campagne dirigiste, ne déterminez alors qu’un seul dénouement en fonction du type d’arc que vous aurez choisi préalablement.
Pour impliquer d’avantage vos personnages ainsi que pour maintenir un certain intérêt de jeu (notamment pour des campagnes longues), il est fortement recommandé d’intégrer à la trame de votre campagne des arcs narratifs personnalisés pour chaque personnage joueur. L’arc narratif d’un personnage joueur c’est l’évolution psychologique d’un personnage tout au long de votre campagne ainsi que sa progression dans l’atteinte de son/ses objectif(s) personnel(s).
Enfin n’oubliez pas que pour intéresser vos joueurs et écrire une campagne passionnante, pensez à varier les types d’arcs narratifs que vous utiliserez.
5-Des types d’arcs
Il existe trois grands types d’arc narratif avec pour certain plusieurs variantes.
5-1-De l’arc positif
Cet arc est l’évolution dans le bon sens de la situation du personnage. C’est l’arc le plus habituel. Le héros est dans une situation donnée au début du récit (souvent mauvaise) et il va réussir sa vie à la fin. Le personnage sort grandit de son aventure. Cet arc narratif est par excellence celui des contes ou des supers héros qui arrivent toujours à vaincre le super méchant ou encore l’arc qui aboutit au « happy ending » : tout va bien dans le meilleur des mondes. Cet arc narratif n’est pas forcément le plus intéressant à développer, une variante plus contrastée existe.
5-1-1-L’arc positif contrasté
Si votre personnage au début de l’histoire cherche le grand amour, à retrouver la santé, ou à retrouver ses origines (ou les trois) mais qu’en cours de route, il perd certaines choses : par exemple s’il avait une compagne et souhaitait s’enrichir, et il finit par être célibataire mais riche, il a gagné sur un plan et perdu sur un autre. Là, il y a un peu de suspens, de réalisme de vie et une évolution. Vous pourrez dire que s’il perd sa compagne, il ne peut pas être heureux et son arc narratif n’est pas positif du tout, eh bien si parce que l’arc narratif dépend surtout des objectifs du personnage au début de l’histoire. L’arc narratif dépend de ce que désire votre personnage quand l’histoire débute, s’il veut s’enrichir et qu’il finit riche et bien oui, son arc est positif, même si sa vie n’est pas parfaite au final. On peut très bien perdre quelque chose et y gagner spirituellement et se sentir bien plus heureux en ayant perdu des choses même si on y tenait beaucoup.
5-2-De l’arc plat
Cet arc est celui où il n’y a pas dévolution mais le personnage a tout de même un impact sur le monde qui l’entoure.
Le personnage n’évolue pas, en général le personnage est déjà tellement fort moralement, il a déjà ses propres valeurs, sa propre conception du bien, du mal, qu’il n’a pas besoin d’évoluer. Il reste le même encore et encore même s’il croise des personnages différents, même s’il est confronté à des ennemis puissants, il n’a jamais de soucis intérieurs pour le changer. Pour lui, le monde reste le même quoi qu’il arrive et il ne connaît pas d’ennuis psychologiques ou d’interrogation personnelle. Il sauve les autres, il vit des aventures mais rien ne l’affecte. Du coup, il reste le même du début à la fin et ce n’est pas nécessairement le choix le plus aisé à concevoir.
L’arc plat ne veut pas dire que rien ne change, cela veut dire que votre héros lui ne change pas, qu’il reste le même. Foncièrement, il vit ses aventures, mais ses valeurs, ses habitudes, son mode de pensée en revanche reste tout à fait pareil. En somme, la vie qu’il a avant l’aventure redevient la même après l’aventure, il n’apprend pas de ses erreurs (souvent parce qu’il n’en commet pas vraiment), il a des objectifs souvent extérieurs : tuer le grand méchant, sauvez la fille mais lui n’est pas totalement impliqué, il ne va pas tomber amoureux de la fille par exemple.
5-3-De l’arc négatif
Cet arc est l’évolution dans le mauvais sens de la situation du personnage Le personnage termine dans un état pire que celui dans lequel il a commencé.
Ce type d’arc est très intéressant, parce qu’il permet de malmener le personnage. Par exemple et pour ceux qui ont vu/lu la série « Game of Thrones », il s’agirait de l’arc narratif du pauvre Théon Greyjoy. D’ailleurs ce dernier a subi un arc négatif par excellence, il passe d’une situation peut être pas la plus confortable, pupille des Stark, à celle de traite haïs de tous, écorché et mutilé, vivant parmi les chiens d’un homme complètement pervers. Bien entendu, il n’est pas nécessaire de traîner ses personnages aussi bas dans l’abysse de la négativité pour avoir un arc narratif négatif. On peut très bien se contenter d’empêcher le personnage d’atteindre ses objectifs, sans pour autant faire de lui un être sans espoirs.
Comme pour l’arc positif, il y a tout un tas de solutions entre le désespoir total et ne pas réaliser son rêve. Il existe tout un panel de possibilités et c’est justement cela qui est intéressant. Il y a plusieurs manières de dire des choses négatives. L’arc narratif négatif dépend du mensonge auquel croit le personnage, à savoir une croyance spécifique à laquelle il adhère mais qui se révèle fausse. Il sera alors prêt à sacrifier de bonnes choses pour poursuivre la fausse promesse du mensonge.
Il y a trois possibilités pour l’arc narratif négatif de votre personnage.
5-3-1-L’arc narratif de la désillusion
Le personnage croit un mensonge, il surmonte ce mensonge et découvre une vérité qui est pire. Dans plusieurs cas, l’arc narratif de la désillusion n’est pas négatif en tout. Le personnage a grandi et changé grâce à la vérité. Sa vie a changé sur certains points, pour le mieux, grâce aux événements qu’il a vécu. Et pourtant c’est un échec car le personnage passe d’une perspective positive à une perspective négative : la nouvelle vérité n’est pas toute rose. Elle est dure et froide.
5-3-2-L’arc narratif de la chute
Le personnage croit un mensonge, il s’accroche au mensonge et termine en croyant encore plus fort à ce mensonge. C’est l’arc narratif le plus souvent associé aux tragédies. Le personnage commence comme dans un arc narratif positif, déjà retranché dans le mensonge. Mais il rejette toutes les chances d’embrasser la vérité et s’enlise de plus en plus dans ses propres erreurs. Il entraîne d’autres personnes à sa suite. Son histoire se termine par la folie, l’immoralité ou la mort.
5-3-3-L’arc narratif de la corruption
Le personnage voit la vérité, il rejette la vérité et adopte le mensonge. Le personnage débute dans un monde qui connaît déjà la vérité. Il a l’opportunité de faire de même mais la semence du mensonge est latente même si la vérité est juste devant lui. On a un personnage bon (ou qui a un grand potentiel de bonté) mais qui choisit consciemment les ténèbres.
En espérant que ce sujet vous ait intéressé et puisse vous inspirer, vous êtes maintenant parés pour écrire des scénarii&campagnes de jeu dignes d'être contés dans les tavernes au coin de cheminée !